Trouver un pasteur 2/10 - Le problème des fournisseurs
Les étals sont vides
Je me souviens, comme si c'était hier, d'un appel téléphonique de type "recherche de pasteur". A l'époque j'étais responsable des stages dans un lieu de formation en Suisse.
Le conseil d'une église avait bien réfléchi et avait une idée précise de ce qu'il lui fallait.
- Un pasteur (homme),
- Marié, avec de jeunes enfants (il n'y a pas de jeunes enfants dans l'église, et un couple avec de jeunes enfants attire d'autres jeunes couples),
- Formé théologiquement (mais pas trop, car on voudrait encore le former chez nous)
- Avec une orientation d'évangéliste,
- Et tout cela pour un salaire à 50%.
La personne est restée interloquée quand je lui ai dit qu'en 15 années de suivi d'étudiants je ne me souviens pas avoir rencontré un tel profil.
Des personnes pas trop formées en théologie, cela se trouve encore.
Mais une famille à vivre d'un 50%, je ne voulais pas y penser.
Bien sûr que je voulais quand même savoir si l'église avait des contacts pour que le demi-pasteur puisse facilement trouver un 2e demi-emploi. (On n'y avait pas pensé. D'ailleurs pas non plus pour la demi-femme du pasteur.)
Franchement déçue
La personne au bout du fil est déçue du fait que je n'ai pas de candidat à proposer.
Et cela se comprend.
- Le conseil a réfléchi pendant des heures, prié, rédigé un descriptif.
- Puis ce conseil contacte un fournisseur de pasteurs de renommée mondiale.
- Et de constater que celui-ci n'a pas le modèle souhaité.
Je propose alors trois solutions :
- Premier conseil : de nous envoyer des personnes à former. Car si les églises n'encouragent plus personne à se former, comment pourrions-nous les avoir sur nos rayonnages ? (on n'y avait jamais pensé)
- Deuxième conseil : si l'église repère un tel pasteur en exercice dans une autre église, de lui proposer de venir chez elle. (Bon, je sais que cela ne fait pas sérieux. Mais je ne pouvais pas résister au sarcasme).
- Troisième conseil : embaucher un stagiaire qui pourrait devenir pasteur, si… (Alors non, on ne cherche pas un stagiaire, mais un pasteur).
Je confesse ne pas avoir donné de quatrième conseil : celui de contacter les autres fournisseurs qui auront peut-être en stock le modèle recherché. Cela n'aurait pas été très sympa envers ces instituts et surtout leurs étudiants.
Nous constatons que :
LES ETALS SONT PEU FOURNIS
LES MODELES AUX OPTIONS FANTAISISTES SONT TRES RARES
En 2015 la fédération FREE (Fédération romande d'églises évangéliques, en Suisse) publie, sous la plume du pasteur Christian Kaeser, un article qui veut aider à relever "les défis des Églises locales dans la recherche d’un pasteur".
Un article à lire par l'église à la recherche de bons conseils pour discerner avec précision le type de pasteur qu'il lui faut.
Le problème que je vois (et qui rend tout l'exercice caduc) est que, peu importe le type bien précis de pasteur recherché, il y a de fortes chances que ce modèle n'est tout simplement pas disponible car il n'existe pas, ou n'existe plus ou pas encore.
Pour 10 églises qui cherchent un pasteur, il n'y a souvent qu'un seul modèle disponible. ("Modèle" : expression biblique. Paul demande à Timothée d'être un modèle pour les fidèles.)
Alors c'est un exercice en futilité que de détailler de qui on a besoin. Déjà trouver le rare modèle disponible (peu importe les options) est tout un exploit. Alors pour les options... oubliez.
Rude constat
La pénurie de pasteurs est prononcée tant en Allemagne qu'en France et en Suisse, dans toutes les familles spirituelles.
En France
La recherche de pasteurs est devenue une affaire chiffrée.
Les églises évangéliques ont besoin de 1'000 pasteurs dans les 10 ans à venir (selon le CNEF).
Ce chiffre est tellement rond qu'il est inutile de préciser que c'est une estimation.
Sachant qu'en France rien ne se passe en affaires en juillet/août (sauf le tour de France et les vacances), cela ferait 10 nouveaux pasteurs à lancer sur le marché de l'emploi chaque mois.
Le compte à rebours a débuté le 1 juin 2022.
Recherchons : église rare
En fait, la solution est vite trouvée : il faut 1000 églises.
Il faut 1000 églises qui encouragent un (ou même deux) de leurs membres à haut potentiel de se former pour le pastorat.
Ensuite, il faut 1'000 églises qui s'engagent à accueillir les 1'000 stagiaires venant d'une autre église afin de les équiper pour le service qu'ils pourront accomplir en retournant "chez eux".
1000 églises?
Non, 2'000 églises.
Parce qu'il me semble qu'un candidat pasteur sur deux...
- ne trouvera pas d'église en mesure de le salarier à 100%
- quittera le ministère dans les 10 premières années.
"il me semble", car je ne sais pas si des chiffres précis sur les personnes qui ont quitté le ministère pastoral sont disponibles pour la France ou la Suisse.
Si vous les connaissez, merci d'en parler sous "commentaire".
A venir :
- Trouver un pasteur 3/10 - Le stagiaire
Commentaires
encore merci !
autre solution : sortir du modèle unique (et non biblique) du pasteur à tout faire, homme orchestre, ministère fourre-tout !
pour développer des réseaux d'équipiers aux appels, dons et ministères souples et variée, multiples et multicolores selon la grâce merveilleuse....
REPONSE de Matthias Radloff:
Cette proposition, pleine de bon sens, fait régulièrement surface - depuis bien 2'000 ans. Elle trouvera de plus en plus d'adeptes puisque l'espèce "pasteur unique" est en voie d'extinction.
Merci Florian (Rochat) pour ton commentaire. C'est parfaitement juste. Je dirais que comme ce modèle unique était calqué sur celui de l'instituteur, il fonctionnait. A l'enseignant scolaire on lui demandait de suivre un programme d'enseignement. Il a été formé pour ça. Ce n'était pas un homme-orchestre. Toute la scolarité était cadrée, jusque dans l'organisation de la salle de classe, du tableau, des rythmes scolaires. Si l'école a des problèmes aujourd'hui, c'est que le contexte culturel a changé. Eux aussi doivent tout le temps faire des réformes pour rester à flot. Nos écoles/fac de théologie forment encore des applicateurs-de-programmes et ça fonctionne mal.