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Plaidoyer pour de nouvelles églises

Lors d'une rencontre à Leysin (Transvision), j'ai affirmé que:

"Les efforts d'évangélisation sans constitution de groupes, de communautés ou d'églises sont sans grands effets: je ne les nommerai pas. Même des activités comme Alpha live, qui se vivent en église et paroisse, ne sont pas des activités qui font grandir les églises."

 

Voici le texte derrière mon intervention de 10 minutes...

 

Plaidoyer pour de nouvelles églises

Matthias Radloff

Transvision 13 juin 2017

 

1. Pourquoi faut-il encore plus d’églises ?

La situation actuelle n'est pas satisfaisante; les églises de Suisse romande ne grandissent que peu par conversion. Je prendrai la situation de Vevey comme représentative:

  • Après dix ans de présence dans un nouveau quartier, La Passerelle n'a pu ajouter un seul membre par conversion provenant du quartier de plus de 3'000 habitants, dans lequel est s'est installée pour y être un témoin. Idem pour l'église de réveil et l'Action biblique qui, avec La Passerelle, font des efforts d'évangélisation dans ce quartier, et cela sans fruits visibles en dix ans de témoignage.
  • Une nouvelle église a débuté un ministère dans un autre quartier de la ville de Vevey, la CityLife Riviera. Peut-être verra-t-elle des convertis. D'après une enquête sociologique conduite en Suisse, la moitié des membres de communautés charismatiques sont des chrétiens de première génération.

 

Parlons chiffres. S'il est estimé que 3-4% de la population suisse est évangélique, que faire des 96 autres %?

Fort heureusement, le nombre de chrétiens évangéliques augmente, mais principalement par la présence d'églises dites ethniques.

Les efforts d'évangélisation sans constitution de groupes, de communautés ou d'églises sont sans grands effets: je ne les nommerai pas. Même des activités comme Alpha live, qui se vivent en église et paroisse, ne sont pas des activités qui font grandir les églises.

2.  Implanter, oui ! Mais...

2.1. Comment implanter ?

 

"Comment implanter?" n'est pas la bonne question. L'important ce ne sont ni les techniques,  les méthodes, ou les moyens.

Si nous voulons savoir "comment" implanter, nous ne ferons que reproduire des copies réduites de ce que nous vivons et connaissons déjà, et qui a été inefficace dans le domaine de la croissance par conversion. Si l'on fait du "comment" la question première, alors, malheureusement, une des trois choses suivantes se passent:

  1. On agit comme toujours (et surtout pas comme ailleurs). Ex.: implantation par clonage comme le Gospel Center et ICF, ou par essaimage, comme le veut la tradition.
  2. On n'agit précisément pas comme toujours, soit par réaction, soit par esprit de division. Nous, nous faisons mieux, plus… Nous faisons le contraire de ce que nous avons connu. Car, en toute logique, si faire une chose ne conduit pas aux résultats souhaités, faire le contraire (ou tout au moins faire autrement) doit fonctionner.
  3. Agir comme ailleurs. D'autres souhaitent reproduire ici ce qui produit des effets convoités sur d'autres continents.

 

Dans toutes ces options un aspect important est oublié: il faudrait retenir et développer quelques valeurs. Parlons-en.

2.2. Pourquoi implanter ? cf. les valeurs

 

La question "pourquoi implanter" nous conduit à réfléchir aux valeurs et objectifs (les valeurs sont toujours importantes: ‪https://www.melittacampbell.com/why/‬). Quelles valeurs veut-on vivre?

En voici quelques-unes qui toutes affectent l'orientation d'une implantation. Les valeurs ne sont pas (nécessairement) nouvelles.

 

Imaginons vouloir répondre aux besoins de l'homme d'aujourd'hui qui sont les "besoins d'indépendance et de contact". L'indépendance veut que je me détache de tout - famille, héritage, valeurs, institutions - et que je construise ma personnalité (cela explique la peur presque phobique du prosélytisme, cette crainte qu'un autre puisse m'imposer un point de vue). Au besoin d'indépendance se joint un besoin contraire, celui de contacts. Ainsi j'ai besoin de savoir ce que tu  penses, besoin de vérifier que mes valeurs sont les bonnes. Donc, besoin de pouvoir cheminer et expérimenter et non d'écouter pour obéir.

 Si la valeur est le "besoin d'indépendance", il faut un cadre qui ressemble le moins possible à une séance d'endoctrinement, mais plutôt à une rencontre ouverte au partage, à la discussion. Les personnes ont un désir de liberté dans la recherche de la vérité. Lié au désir de liberté est le désir de pouvoir s'exprimer, exprimer son originalité sans jugement. Cette quête de liberté n'est pas anarchique ou irrationnelle, mais correspond au désir d'être "libre d'explorer, d'éprouver, d'évaluer, d'exprimer sans direction normative et sans peur du jugement" (Demaurex p13).

 Si la valeur est la "sociabilisation" (= valeur très prisée aujourd'hui. Par contre, l'affiliation est rejetée; Demaurex p12,) le "réseau" ou la "famille", il faut vivre à proximité les uns des autres, mais pas en communauté (pas dans le même appartement ou immeuble, pour raison de besoin d'indépendance). La proximité spatiale est nécessaire à la cohésion du groupe.

 Si de la place doit être donnée à la sociabilisation, le "partage" devient essentiel. Ce besoin de rapports humains et d'une communication directe est fondamental. Il faut savoir qu'il y a de moins en moins de possibilités de vivre ce partage. Il est mis en péril par notre mode de vie, mais aussi, oh! surprise, par l'usage des médias qui se disent outils de communication, comme Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, etc. Ces outils ne permettent plus la communication directe avec sa richesse émotionnelle (Demaurex p13). Voir les naissances qui sont filmées par le père et qui de ce fait n'accorde plus ni soutien ni attention à la mère. Voir encore les mères qui postent sur FB l'image du nouveaux-né avant de prendre le temps de tenir l'enfant (20minutes du 2 juin 2017 p9). "Il manque aux chercheurs spirituels modernes des lieux de communication pour solidifier leur identité croyante: ils ont besoin d'exprimer leur expérience, d'en chercher le sens, et de vérifier malgré tout la véracité de leurs croyances dans l'échange et la confrontation avec l'autre" (Lerebours Entremont cité par Demaurex p13).

 

Lié à la sociabilisation est "la structure et le fonctionnement égalitaire" du groupe. Les participants sont égaux. Un temps de parole est de ce fait accordé à chaque membre, voire planifié. Et les dates des rencontres sont fixées bien à l'avance. Ceci indique au participant qu'il est attendu et important.

 

"Je chemine." Le cheminement de la personne décrit le comportement religieux. C'est-à-dire, l'important est la quête et non le réception, le mouvement de l'appropriation au lieu de la dévotion inconditionnelle (selon Demaurex p12).

 

"Nous cheminons." Si la valeur est de "cheminer AVEC les personnes", avec qui est-ce possible? Comment est-ce que j'aborde le jeune chrétien, le chrétien en difficulté de vie? celui qui a péché de manière visible? Celui qui s'éloigne lentement du groupe?

 

Si la valeur est "cheminement et recherche d'expériences", il est difficile de vivre ces valeurs à l'écoute d'exposés ou de prédications. Les enseignements sont donnés dans des témoignages. L'auditeur est invité à découvrir par lui-même au cours d'échanges de leçons apprises par la vie et par des contributions de personnes rencontrées.

 

Si la valeur est "l'amour entre chrétiens", amour qui devrait être visible, selon Jésus, alors que faire, vivre, dire, entreprendre, penser, encourager?

 

Si la valeur est "grandir en maturité", et que cela est possible seulement en communauté, que faire et vivre? Expérimenter? Quelles formes de communauté vivre?

 

Si la valeur est d'être "sel et lumière", quelles sont les oeuvres bonnes que nous devons faire? Faut-il que nous nous impliquions dans des activités existantes, dans des associations de la ville, ou faut-il créer des activités?

Quel serait un programme mensuel d'une église qui souhaite être connue pour ses bonnes oeuvres? Faut-il qu'elle organise de nombreuses activités, ou faut-il en programmer le moins possible pour permettre aux chrétiens de s'engager dans des associations existantes?

 

La valeur "incarnation" ou "intégration"  influencera le choix de local, donc du lieu des rencontres (le bâtiment propre à l'église n'est pas intégré, n'est pas vu par la population comme "son" lieu de rencontre). Les rencontres privées se tiendront dans un lieu considéré privé (ex.: dans une famille). Et les rencontre publiques se vivront de manière optimale dans une salle publique. Pratiquement, que faire si nous voulons nous faire tout à tous, ou au moins tout à certains de ceux qui ne sont pas encore chrétiens?

 

Il peut y avoir encore bien d'autres valeurs:  se réunir pour atteindre un but commun, comme le partage des biens, vivre en communauté, vivre la multiculturalité, rejoindre un public cible, s'impliquer dans un projet social, approfondir ses connaissances de la Bible...




2.3. Pourquoi implanter? cf. les publics cibles

Nous avons vu qu'il ne faut pas commencer en se demandant "comment" implanter. Car l'important ce ne sont ni la technique ni les moyens, mais les valeurs comme nous venons de le voir.

Avant de répondre au "comment implanter", il faut encore savoir qui atteindre? Ce n'est qu'une fois le ou les publics cibles déterminés (les enfants du quartier, les hommes d'affaire de la ville, etc.), qu'il est possible de réfléchir au "comment" implanter.

2.3.1. Groupes socio-professionnels

 Il est évident que nous n'atteignons pas certaines catégories socio-professionnelles, comme les personnes travaillant dans la restauration, l'hôtellerie, les services, dans des emplois postés ou en rotation.

2.3.2. Groupes linguistiques voire culturels

Si dans nos villes en Suisse, il y a une centaine de nationalités différentes, bien des catégories linguistiques ne connaissent pas de témoignage chrétien parlant leur langue et utilisant des voies de communication culturellement adaptée.

Que dire de notre réflexe d'envoyer des Portugais dans une église brésilienne? Pourquoi alors ne pas envoyer un Vaudois dans une communauté congolaise puisqu'on y parle aussi le français?

Les milliers de jeunes des écoles internationales en Suisse sont considérés peuple non atteint (Selon mon souvenir d'un Christianity Today d'il y a bien des années). Ne parlons pas des réfugiés.

 

2.3.3.Groupes Sinus 

Définition: "les Sinus Geo Milieus® regroupent les gens selon leur comportement et leur mode de vie, et pas uniquement d’après des critères sociodémographiques et de comportement d’achat. Leurs opinions concernant travail, famille, loisirs, médias, argent et consommation sont étudiées, regroupées et classées en neufs milieus." (Certaines fois il est question de dix milieux.)

 

Je ne suis pas un connaisseur de cette analyse. Néanmoins je souhaite attirer votre attention sur cet outil qui permet non seulement de segmenter la population d'un pays, ce qui est de peu d'intérêt pour notre sujet, mais qui permet de voir qu'il y a des segments entiers de la population qui ne sont pas atteints par nos églises. Il est faux de penser qu'un district est saturé ou que tous ses habitants ont la possibilité d'entendre l'Evangile s'il y a une église pour 10'000, ou pour 5'000 ou même pour 2'000 habitants. Des analyses en Allemagne ont permis de constater que dans les églises, il y avait des personnes de toutes les catégories Sinus. Néanmoins, la plupart venait de quatre de ces dix milieux. De plus, le style de vie d'église proposé correspond aux valeurs et attentes de ces quatre segments de la population.

 

3. Conclusion

L'implantation de nouvelles églises doit être encouragée pour bien d'autres raisons que celle qui dit qu'il y a des publics cibles qui n'ont pas encore entendu l'Evangile (autre raison: les membres des petites églises ont une foi militante, témoignent). Ce travail d'implantation est difficile et mériterait d'être accompagné par des mentors, des tuteurs, des églises établies et leurs fédérations (Voir l'appel de Daniel Liechti paru un mois plus tard).

 

4. Bibliographie

20minutes, "Bébé est pris en photo avant même d'être regardé", 2 juin 2017, p9: https://www.dropbox.com/s/8ifojtqk3vuo0xa/B%C3%A9b%C3%A9%20pris%20en%20photo.pdf?dl=0

Bolger, Ryan, (éd.), The Gospel after Christendom: New Voices, New Cultures, New Expressions, Baker, 2012. (28 témoignages d'églises naissantes) http://bakerpublishinggroup.com/books/the-gospel-after-christendom/327961

Demaurex, Vincent, "Comment et à quelles conditions les groupes de maison peuvent-ils être source de renouveau pour l’église ?" (l'auteur présente une analyse des mentalités de nos contemporains puis démontre que des groupes de maison pourraient permettre de rencontrer nos voisins.) http://wp.unil.ch/lescahiersiltp/files/2017/04/CahiersILTP_Demaurex_ServirGerer_JC_GroupesMaison_Mars2017.pdf

Sinus-milieus - brève présentation : "Sinus Geo Milieus® – les groupes cibles qui existent vraiment". "http://newsletter-directpoint.post.ch/fr/newsletter/06-2012/03-sinus-geo-milieus-les-groupes-cibles-qui-existent-vraiment.html

Sinus-milieus - évaluation théologique (en allemand) par Hempelmann: http://heinzpeter-hempelmann.de/hph/wp-content/uploads/2013/02/sinus.pdf

Sinus-milieus - explications pour la Suisse: https://www.cominmag.ch/wp-content/uploads/2008/05/etude-sinus-utilisation-des-medias.pdf

Sinus-milieus - présentation des dix "sinus-milieus" en image: http://www.sinus-geo-milieus.ch/index.php?lang=fr

Stolz Jörg, Edmée Ballif, L'avenir des réformés: les Églises face aux changements sociaux, Labor et Fides, 2011. Parle aussi des sinus-milieus. https://books.google.ch/books?id=3Nc80jOwzdYC&pg=PA55&lpg=PA55&dq=sinus+milieus+suisse&source=bl&ots=7CLrl2pyW2&sig=V7zhkq8yCe5hl7uyf_RqtjliaC8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiEiOP3xJrUAhVH6xQKHV8cDHk4ChDoAQhEMAU#v=onepage&q=sinus%20milieus%20suisse&f=false


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