Eglise transformationnelle
"Pourquoi avoir choisi ce terme?" et ne plus parler d'église émergente, est la question de Jean Hassenforder à Patrick Oden, qui répond (Interview Témoins):
"...l’expression Église émergente a été tellement usée par les éditeurs et autres qu’elle a perdu du sens et que le sens qu’elle a gardé portait le poids de la théologie de certains participants.
"D’autres participants très influents se sont fatigués de répondre à des questions sur ces positions théologiques qu’ils ne partageaient pas et ont donc laissé tomber la terminologie « Église émergente ».
"Et pourtant ces différents mouvements partageaient une trajectoire continue. « L’Église émergente » avait donc un point de vue trop limité.
"D’autre part, le terme « émergent » n’est pas très descriptif. Il ne décrit pas une différence avec les approches antérieures, mais plutôt une trajectoire. Mais vers où ?
"J’ai en fait pris quelques semaines pour réfléchir à cela car c’était un élément clef de tout mon travail. Et j’ai décidé que « transformationnel » était à la fois descriptif et distinctif.
"Personne d’autre ne l’utilisait et il décrivait bien l’objectif fondamental des Églises émergentes, qui est d’être une présence transformante du Christ dans leur contexte particulier."
Etre une présence transformante dans mon contexte particulier, cela oriente vers un autre type d'église que celui qui rassemble les chrétiens dans un lieu restreint pour y être l'église.
L'un envoi, l'autre rassemble. L'un est sel dans le monde, l'autre sel dans la salière qui saupoudre un peu le monde.
Voyons ce que Patrick Oden (l'interview complète de Témoins) dit de ces différents modèles en réponse à la question de Jean Hassenforder:
Vous écrivez que l’Église transformationnelle est un lieu où les gens vivent en Église comme ils vivent dans le monde. Ils vivent en Christ au-delà des barrières qui séparent souvent les Églises du monde. Il n’y a pas deux univers séparés. N’y a-t-il pas là une ligne de partage entre les Églises émergentes et nombre d’Églises traditionnelles. Comment la pensée de Moltmann éclaire-t-elle cette question ?
La grande question en théologie de l’Église (ecclésiologie) est : où voyons-nous l’œuvre de Dieu ? Comment exprimons-nous la communauté et comment sommes-nous formés en communauté ? Pour une grande partie de la théologie traditionnelle de l’Église, l’Église est « la cité sur la colline », un lieu où les gens vont pour entendre parler de Dieu et retournent ensuite à leur vie quotidienne. Dans cette approche, l’Église est un peu comme le Temple, le lieu où l’on rencontre Dieu. Une idée analogue consiste à considérer l’Église elle-même comme le modèle de communauté pour le monde : dans l’Église, les personnes expriment ensemble la vie dans sa globalité. Les gens de l’extérieur voient cela et veulent en faire partie (idéalement). Il y a une séparation nette entre l’Église et le monde. C’est une approche séparatiste à des degrés divers. Cependant, Moltmann proteste contre une telle distinction. Plus qu’une protestation, sa théologie – spécialement sa théologie de l’Esprit – inspire et guide notre façon d’être, comme Jésus, incarnée dans, avec et au milieu de notre propre contexte. L’Église est dans le monde et le monde est dans l’Église, comme le dit Moltmann. Il n’y a pas moyen de séparer vraiment les deux sans faire de distinction artificielle. Bien trop souvent cela fait de l’Église un adversaire de ceux qui sont en dehors, plutôt que de participer au monde dans lequel elle vit, être un bon ‘prochain’ au plein sens scripturaire. La compréhension profonde qu’a Moltmann de l’Esprit et son ample perspective sur la vie et la mission de Jésus (comprenant sa vie entière et son enseignement aussi bien que la croix et la résurrection) offre un modèle et un encouragement à voir ce que peut et doit être un peuple transformé, une présence transformante de tout son environnement.